Un parfum d’encre de seiche
JUSTINE GEORGET
Justine Georget commence spontanément la photographie en 2020 en ayant entre les mains un Gx9. Elle se balade dans les rues de Lyon en France où elle réside, ou en Corée. A mesure que les clichés se développent, son destin de street photographer s’accomplit. Simplifiant son regard par le noir et blanc, elle capture la fulgurance de ce qui est, de ce qui sommeille en chacun. Fascinée par les visages, les gestes, une scène, ses images transforment la réalité en une narration photographique émotionnellement puissante et complexe, donnant voix au monde secret de l’individu.
Un parfum d’encre de seiche
Marché de poissons d’Incheon, Corée
J’enjambe les flaques d’eau, le sang et les boyaux. L’odeur est fraîche et salée, les sourires, les regards silencieux, l’eau qui ruisselle partout. Je regarde cet homme engoncé dans sa salopette jaune, nargué par le bruit de grillon des transformateurs. Je le regarde écailler sur des mots absents, son visage s’éclaire. Son silence m’accompagne, je déambule avec lui. Pendant les périodes calmes, des hommes jouent aux dames, font la sieste, pendant que d’autres bavardent en sirotant des nouilles. Accumuler, superposer, des murs entiers d’aquariums colorés, des pyramides de cartons prêts à tomber, du poisson séché rangé dans des cases alignées. Pas de bâtiment futuriste somptuaire, mais le luxe d’être ensemble.
En sortant d’Incheon Fish Market, je mêle en silence mes larmes aux embruns. Peut-être que ces 42 ans d’histoire, de couleurs, de traditions seront bientôt perdus au profit d’un monde aseptisé comme ce qui s’est passé au Noryangjin Fish Market « amélioré » de Séoul.
Un coup d’oeil de femme qui accroche un regard qui ne laisse pas indifférent. Merci à toi Justine pour la finesse de l’observation et ta passion pour la condition humaine dans des endroits plus qu’insolites.